DIFFA: le paternalisme qui tue le cinéma africain

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J’ai lu une interview du responsable de DIFFA dans les colonnes du magazine « L’Afrique Aujourd’hui » [1] et j’ai senti l’obligation de réagir en tant qu’auteur-réalisateur d’Afrique et par ailleurs ayant de modestes notions de droit et économie du cinéma et de l’audiovisuel.
Cette réaction n’a aucune visée polémique. Je veux juste faire comprendre, au moins à mon réseau, qu’il y a des africains qui ont une opinion totalement différente de ce que l’intervenant pense être la solution pour sortir le cinéma africain de la crise.

D’abord, DIFFA en tant que structure de distribution d’œuvres africaines aurait pu être une solution puisque la distribution est le maillon faible de la filière audiovisuelle africaine. Mais je dis aurait parce que le mode de fonctionnement ne répond pas à ce qu’il faut pour apporter un plus à ce cinéma.
Comme le dit le promoteur, l’objectif de DIFFA « est d’aider les producteurs africains à être sur le marché international, à vendre leurs programmes et leurs films. En un mot gagner de l’argent ». Mais comment un distributeur peut-il arriver à cela sans pouvoir faire un apport conséquent à la production pour que l’œuvre ait le potentiel commercial. En France et en Europe,  les distributeurs nationaux mettent environ 5000 euros au moins sur un projet à titre de MG. Pour la prévente internationale, le montant peut atteindre jusqu’à 30K€ et plus, au regard du potentiel commercial. Quel est ce niveau d’intervention chez DIFFA? Ne faut-il pas plus que de porter l’œuvre dans un catalogue pour aller de marché en marché?

L’ambition de Diffa de « former les ivoiriens et les africains au commerce international des droits audiovisuels » peut être relativisée parce que le problème n’est pas que la formation mais c’est surtout le potentiel commercial du marché qui n’est pas encore maitrisé faute de régulation.

L’essentiel de l’approche que je ne partage pas porte sur le fait que l’interviewé pense que la solution est « de faire en sorte que le cinéma africain bénéficie du marché international ». En effet, la faiblesse du marché interne africain dû au manque de salle de cinéma mais aussi au manque du développement d’un marché local le rend vulnérable à la fois à l’interne et à l’international. Le Nigeria qui est cité en exemple a construit la force de son économie sur son marché intérieur riche d’environ 195 millions d’habitants . L’Afrique de l’ouest à elle-seule avoisine également 125 millions d’habitant sans oublier l’Afrique centrale qui parle la même langue française. On sait pourtant que la communauté de langue est un facteur important du marché audiovisuel. Il y a donc à peu près le même potentiel interne.

Si nous comparons la situation aux USA, les économistes du cinéma sont tous d’accord que la force de cette économie provient du fait que les œuvres sont rentabilisées d’abord dans le marché interne. Ce qui permet au pays de pouvoir exporter à des prix défiant toutes concurrences. ils peuvent ainsi pratiquer une sorte de Dumping.
Pour revenir à l’Afrique, dans cet état de faiblesse économique, le marché international est plutôt ce vers quoi il ne faut pas prétendre prioritairement, au risque de clouer pour de bon l’économie de ce secteur. Il faut créer une force commerciale interne qui permettra ensuite de tendre vers l’international. C’est ce que le Nigeria a fait et ça marche comme pour les USA. C’est pour ça que les solutions visant un marché unique plus large comme celle de l’UEMOA permet de palier à ce cloisonnement et au Manque d’infrastructures. Il faut aussi orienter l’économie audiovisuelle puisque le marché de la télévision est en pleine expansion avec tout le potentiel nécessaire pour venir en aide au cinéma.

Quand il avance que « En europe, nos cinéma devraient s’ouvrir aux films africains » il y’a une sorte de paternalisme qui se dégage alors qu’il n’y a pas lieu d’une telle demande. La France a par un exemple un accord de coproduction avec le Burkina, le Sénégal, la côte d’Ivoire, la Guinée, le Cameroun…l’intérêt de ces accords c’est justement de permettre de porter des projets et de leur ouvrir les marchés de la France. Wallay par exemple sorti en 2017 a fait environ 30K entrée  en France (je crois) sans compter toutes les entrées des différents festivals à travers la France. C’est peut-être une exception mais c’est ce genre de collaboration par la qualité qui doit permettre de faire parvenir le cinéma africain dans les salles en Europe et non une ouverture par obligation (ou pitié) de faire plaisir à l’Afrique.

Pour m’arrêter là, il dit que son rôle « est d’aider à la promotion du cinéma africain, mais aussi à sa crédibilité économique », mais les films qu’ils ont vendu environ 15 fois ont des prix compris entre #70 et #1000 euros. Ma question est donc celle-ci: vous pensez que c’est ça la solution pour sortir notre cinéma du gouffre?

Je pense qu’il est temps que les africains réfléchissent par eux-mêmes aux solutions qui leur conviennent pour l’avenir de leur propre cinéma.
Au plaisir de lire vos avis.

Boubacar Sangaré

Références

[1] https://www.lafriqueaujourdhui.net/alain-modot-en-europe-nos-cinemas-devraient-s-ouvrir-aux-films-africains?fbclid=IwAR0VHRccf7OelhuFu-IyVhck5Wwvl-iS3rJ5PslrsDa0P5Ka3Y6jcudnX24